Les limites de la télésanté
Le télésoin et, de manière générale, la télésanté sont à mettre en lumière avec le « virage ambulatoire » qui cherche à rendre plus efficient le système de santé en assurant la promotion des alternatives à l’hospitalisation en accord et dans l’intérêt du patient. En effet, la télésanté a pour objectif de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé notamment en faisant gagner du temps aux professionnels de santé pour leur permettre de recevoir plus de patients et de réduire le nombre de professionnels de santé nécessaires sur le territoire.
Toutefois, la pratique infirmière ne connaît actuellement que peu d’actes sans intervention physique.
De plus, la télésanté pose de nombreuses questions qui sont autant de freins à la concrétisation louable de lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé : zones blanches, débits internet insuffisants, appareils d’insuffisamment bonne résolution pour la captation d’images afin d’éviter les erreurs de diagnostic, connaissances pour l’utilisation des outils …
Au-delà, quatre limites principales méritent d’être approfondies :
Si l’actualité se concentre presque exclusivement sur les « déserts médicaux », la fracture numérique persiste sur de nombreux territoires.
Selon un rapport du Défenseur des droits sur la dématérialisation des services publics publié en février 2022 :
- Près de 80 % des ménages résidant dans les zones urbaines et périurbaines sont couverts par la fibre contre seulement 30 % dans les zones rurales et de montagne.
- 22% des personnes ne disposent à leur domicile ni d’un ordinateur, ni d’une tablette.
- 15% des Français n’ont pas de connexion internet à domicile.
- Un quart des 18-24 ans indiquent avoir rencontré des difficultés pour réaliser seuls des démarches en ligne.
Un constat s’impose : l’expression « désert médical » couvre territorialement de façon assez spectaculaire d’autres « déserts de droits » comme celui des services publics mais aussi celui des « déserts numériques » par manque d’accès à internet et au haut débit.
La fracture numérique n’est donc pas qu’une question générationnelle et devra être abordée dans le futur de manière rigoureuse pour un bon déploiement de la télésanté qui, correctement mise en place, peut véritablement servir de levier pour encourager la prévention et les soins primaires tout en replaçant l’usager au cœur du dispositif et en répondant à sa volonté d’autonomie.
Pour cela, l’e-santé doit être au service du décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social, hospitalier et ambulatoire ou encore médical et paramédical.
L’ubérisation de la santé est un processus qui vise à transformer le système de santé sur la base de considérations économiques par les nouvelles technologies numériques.
Cette ubérisation passe par l’apparition de nouveaux intermédiaires numériques, voire de géants du numériques tels que les GAFAM, dans le domaine de la santé avec un risque majeur que l’exercice libéral devienne une forme de sous-traitance des besoins exigés par des patients « consommateurs ».
Ubériser sans limite, c’est devoir faire toujours plus (plus de soins, plus vite, sans évaluation, moins cher …) au détriment de la qualité, de la continuité des soins et de la relation patient/professionnel de santé.
Ainsi, pour limiter les risques, votre URPS se positionnera toujours pour la mise en place de technologies de télésanté qui restent au service des patients et des IDEL sans asservissement à des structures du numérique.
Votre URPS a, notamment dans cette optique, décidé d’accompagner la mise en place d’inzee.care en région Centre, plateforme construite par des IDEL et pensée pour les IDEL qui vous propose entre autre un module de télésoin.
La réglementation mais aussi la mise en place d’outils numériques extrêmement simples et facilitants sont nécessaires pour améliorer la qualité et la sécurité des échanges ou encore pour modifier durablement les pratiques.
Il faut que les outils technologiques utilisés par les professionnels de santé et les patients soient fiables, intuitifs, régulièrement actualisés par leurs promoteurs et que les données qu’ils collectent et traitent soient protégées de toute intrusion.
A ce titre, un manque de formation (initiale et/ou continue) se fait ressentir sur l’accompagnement des professionnels de santé dans les mutations du système de santé. En effet, l’usage de la télésanté n’est pas inné. Aujourd’hui, de nombreux professionnels de santé appréhendent difficilement son usage et ne trouvent pas de formation adaptée.
L’enjeu le plus marquant du développement et du renforcement de l’offre de soins de premier recours (que ce soit par l’exercice coordonné ou la télésanté), tient essentiellement dans la lutte contre les déserts médicaux.
Le problème est en effet important : une étude de la DREES de mars 2021 prévoit que la densité de médecins généralistes va continuer de baisser et que ce n’est qu’en 2036 qu’elle retrouvera au niveau national son niveau de 2021. De plus, même à cette époque, la densité de médecins restera insuffisante en région Centre.
Aujourd’hui, les politiques publiques de lutte contre cette « désertification » sont pourtant assimilables à des politiques de « petits pas » avec des adaptations qui évoluent ou revirent fréquemment sans véritable mise en relation des dispositifs existants : exercice coordonné, méthodes alternatives aux médecins (développement de la pratique avancée ou télésanté) …
Face à des enjeux importants de continuité des soins et de prise en charge de qualité, il convient donc de voir chaque solution prise individuellement comme une réponse utile mais non miracle et nécessitant d’être pensée dans le système global qu’est le parcours de santé.