Prolongation des mesures de la “mission flash” : une nouvelle atteinte à l’exercice libéral ?

🗓️ Publié le 18 décembre 2022

A la suite de la mise en place de mesures dérogatoires issues de la « mission flash » durant la période estivale afin de favoriser la permanence et la continuité des soins dans un système de santé en crise, le ministre de la santé a décidé de prolonger certaines mesures jusqu’au 30 avril 2023 par un arrêté du 9 décembre 2022.

Plusieurs dispositions concernent directement les IDEL :

Afin d’encourager la participation des IDEL à la prise en charge des soins non programmés, l’arrêté prévoit que les IDEL volontaires, sur sollicitation du SAMU ou du SAS (dans les départements où il est déployé) peuvent bénéficier de :

  • Une rémunération de 78 € par période de 6 heures pour les astreintes aux horaires de permanence des soins ambulatoire.
  • Une rémunération de 60 € par période de 6 heures pour les astreintes en dehors des horaires de permanence des soins ambulatoire.
  • Une rémunération correspondant à un AMI 5,6 cumulable avec les frais de déplacement, pour les visites à domicile sollicitées par la régulation pendant une période d’astreinte, y compris en EHPAD, qui ne donnent lieu ni à la réalisation d’un acte infirmier, ni à une consultation de télémédecine.

Aussi, les IDEL intervenant dans ce cadre (sur sollicitation du SAMU ou du SAS) peuvent réaliser et facturer des actes infirmiers sans prescription médicale en dérogation de l’article 5 des dispositions générales de la NGAP. Les IDEL produisent alors une attestation sur l’honneur précisant que les actes ont été effectués lors d’une intervention sollicitée par le SAMU ou le SAS.

L’arrêté maintient l’extension de l’application de six protocoles nationaux applicables dans les centres de santé et les MSP aux professionnels de santé exerçant au sein des CPTS.

Sur ces 6 protocoles, 4 concernent les IDEL :

  • La « prise en charge de l’odynophagie par l’infirmier diplômé d’État ou le pharmacien d’officine ».
  • La « prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans par l’infirmier diplômé d’État et le pharmacien d’officine ».
  • Le « renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière pour les patients de 15 à 50 ans par l’infirmier diplômé d’État et le pharmacien d’officine ».
  • La « prise en charge de l’enfant de 12 mois à 12 ans de l’éruption cutanée vésiculeuse prurigineuse par l’infirmier diplômé d’État ou le pharmacien d’officine ».

Le maintien de cette dérogation n’est pas neutre !

Le déploiement de ces protocoles de coopération censés faciliter la prise en charge de patients par les IDEL se fera une nouvelle fois sous la surveillance des ARS et n’aura une mise en œuvre simplifiée que pour celles et ceux qui exercent au sein d’un centre de santé, d’une MSP ou d’une CPTS.

Les CPTS sont donc, de nouveau, transformées en offreurs de soins notamment car elles auront la mission de rémunérer les professionnels de santé participant aux protocoles de coopération en lieu et place de la CPAM.

Si, en affichage, l’adhésion aux structures pluriprofessionnelles reste libre, il est clair que le nouveau système de santé (et son lot d’opportunités proposées par le gouvernement) se construit uniquement pour ceux qui sont membres de ESP, MSP ou CPTS. Si la contrainte est indirecte, personne ne peut ignorer son existence.

La question n’est pas d’être pour ou contre la coordination entre professionnels de santé. La réponse est une évidence. Le sujet de fond est « Comment ? ». Notre URPS n’a jamais été naïve sur ce point : la main laissée aux professionnels n’est que temporaire et s’accompagne déjà d’un pouvoir de l’administration sur nos activités. Tous les rapports (HCAAM, IGAS, Charges et Produits de l’Assurance Maladie – voir notre article du 25 juillet 2022), vont dans ce sens.

La suradministration de l’hôpital faisant suite à la loi HPST de 2009 a eu les résultats que chacun connaît. Dupliquer ce modèle à la médecine de ville (et plus largement à l’ensemble des professionnels de santé libéraux) aura d’abord des conséquences pour les patients en termes de réactivité, de souplesse et d’efficacité. Il aura ensuite des conséquences sur l’indépendance des professionnels et bien sûr conduira à une paupérisation des IDEL. L’étape d’après, nous la connaissons d’avance : instaurer un modèle de financement par capitation.

Des ambitions naissent déjà pour diriger ces structures. Seulement, pour être chef d’orchestre, il peut être opportun, avant de se lancer, de prendre quelques leçons de solfège.