Astreintes infirmières, protocoles de coopération … Nouvelle prolongation des mesures de la “mission flash”

🗓️ Publié le 2 mai 2023

Un arrêté du 27 avril 2023 vient une nouvelle fois prolonger certaines mesures dérogatoires issues de la « mission flash » visant à favoriser la permanence et la continuité des soins dans un système de santé en crise. Alors que les mesures devaient initialement s’arrêter le 30 septembre 2022, elles avaient été repoussées une première fois jusqu’au 30 avril 2023 avant d’être finalement de nouveau repoussées jusqu’au 30 août 2023.

Parmi ces mesures dérogatoires, plusieurs concernent directement les IDEL :

Afin d’encourager la participation des IDEL à la prise en charge des soins non programmés, l’arrêté prévoit que les IDEL volontaires, sur sollicitation du SAMU ou du SAS (dans les départements où il est déployé) peuvent bénéficier de :

  • Une rémunération de 78 € par période de 6 heures pour les astreintes aux horaires de permanence des soins ambulatoire.
  • Une rémunération de 60 € par période de 6 heures pour les astreintes en dehors des horaires de permanence des soins ambulatoire.
  • Une rémunération correspondant à un AMI 5,6 cumulable avec les frais de déplacement, pour les visites à domicile sollicitées par la régulation pendant une période d’astreinte, y compris en EHPAD, qui ne donnent lieu ni à la réalisation d’un acte infirmier, ni à une consultation de télémédecine.

Aussi, les IDEL intervenant dans ce cadre (sur sollicitation du SAMU ou du SAS) peuvent réaliser et facturer des actes infirmiers sans prescription médicale en dérogation de l’article 5 des dispositions générales de la NGAP. Les IDEL produisent alors une attestation sur l’honneur précisant que les actes ont été effectués lors d’une intervention sollicitée par le SAMU ou le SAS.

Si l’URPS infirmiers se réjouit de la prolongation de cette mesure sur les astreintes infirmières, basée sur le volontariat et valorisant les compétences des infirmiers libéraux, plusieurs points sont toutefois à souligner :

  • Actuellement en pratique, faute de pilotage du dispositif par l’ARS Centre-Val de Loire, les interfaces entre les SAMU/SAS, l’URPS infirmiers et les infirmiers libéraux n’existent pas.
  • Si la prolongation du dispositif jusqu’au 30 août 2023 est une bonne nouvelle, elle n’est toutefois pas synonyme de pérennisation et laisse de nombreux acteurs institutionnels réticents à déployer sur le terrain une telle avancée pour la profession infirmière faute de visibilité sur le moyen/long terme.

Finalement, afin d’inclure davantage les infirmiers libéraux dans la réponse aux soins non programmés, de manière fonctionnelle, l’URPS infirmiers se mobilise notamment auprès de l’ARS et demande :

  • La facilitation des relations ville/hôpital, notamment les relations SAMU/SAS/infirmiers libéraux, afin d’apprendre à mieux se connaître et développer une culture partagée sur les compétences et contraintes de chaque secteur et de chaque profession.
  • Le déploiement avec le soutien de l’ARS d’un annuaire des infirmiers libéraux personnes ressources/contact et engagées dans les soins non programmés ainsi que dans des activités annexes (vacations en établissements de santé, en EHPAD …) sur la région Centre-Val de Loire avec une classification a minima par département voire pas bassin de vie.
  • La pérennisation des dispositifs impliquant les infirmiers libéraux dans la réponse aux soins non programmés sur sollicitation du SAMU ou du SAS.

Ce n’est qu’ainsi que les compétences des IDEL pourront être véritablement connues par tous les acteurs, valorisées et que le dispositif dérogatoire des astreintes dont il est question pourra trouver une concrétisation sur le terrain.

L’arrêté maintient l’extension de l’application de six protocoles nationaux applicables dans les centres de santé et les MSP aux professionnels de santé exerçant au sein des CPTS.

Sur ces 6 protocoles, 4 concernent notamment les IDEL :

  • Le protocole relatif à la « prise en charge de l’odynophagie par l’infirmier diplômé d’État ou le pharmacien d’officine ».
  • Le protocole relatif à la « prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans par l’infirmier diplômé d’État et le pharmacien d’officine ».
  • Le protocole relatif au « renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière pour les patients de 15 à 50 ans par l’infirmier diplômé d’État et le pharmacien d’officine ».
  • Le protocole relatif à la « prise en charge de l’enfant de 12 mois à 12 ans de l’éruption cutanée vésiculeuse prurigineuse par l’infirmier diplômé d’État ou le pharmacien d’officine ».

Si nous avions déjà alerté de manière détaillée sur le maintien d’un tel dispositif intrinsèquement basé sur l’administration et la structuration du système de santé lors de sa première prolongation (voir notre article du 18 décembre 2022), les choses n’ont malheureusement pas évolué et laissent même craindre une pérennisation de cette dérogation dans les mois à venir !

Très concrètement, plusieurs points alertent notre institution :

  • Le déploiement de ces protocoles de coopération censés faciliter la prise en charge de patients par les IDEL se fera sous la surveillance des ARS.

  • Le déploiement de ces protocoles n’aura une mise en œuvre simplifiée que pour celles et ceux qui exercent au sein d’un centre de santé, d’une MSP ou d’une CPTS.
    Les pouvoirs publics, loin de faciliter l’accès aux soins, sont en train de rendre illisible le système de santé par la création d’un mille-feuille sanitaire incompréhensible tant pour les professionnels de santé que pour les patients, sur-structuré et sur-administré, où deux infirmiers libéraux avec la même formation et les mêmes compétences ne pourront pas les déployer de la même manière selon leur structure de rattachement.

  • Les CPTS sont transformées en offreurs de soins notamment car elles ont ici la mission de rémunérer les professionnels de santé participant aux protocoles de coopération en lieu et place de la CPAM.
    Cette transformation n’est pas neutre et ne pourra se faire qu’au profit d’une sur-administration avec la promotion et la mise en place de véritables hôpitaux hors les murs (voir sur ce point les développements de nos articles du 25 juillet 2022 et du 22 février 2023) préfigurant notamment d’une future rémunération collective de l'”équipe soignante” et non personnelle à l’acte.

  • Si, en affichage, l’adhésion aux structures pluriprofessionnelles reste libre, il est clair que le nouveau système de santé (et son lot d’opportunités proposées par le gouvernement) se construit uniquement pour ceux qui sont membres de ESP, MSP ou CPTS. Si la contrainte est indirecte, personne ne peut ignorer son existence.
    Or, une telle restriction ne pourra avoir que deux conséquences :
    1. L’absence de mobilisation des compétences des infirmiers qui refuseront d’adhérer à ces structures avec des conséquences très préjudiciables pour les patients dans un contexte de crise du système de santé et de désertification médicale.
    2. La promotion d’adhésions administratives factices qui risquent de ne satisfaire ni ceux qui auront été contraints d’adhérer ni ceux qui auront adhéré par attachement au projet de santé de la structure d’exercice coordonné.

Face à ces évolutions, il convient plus que jamais de s’interroger sur la vision que nous avons du système libéral.

Pour l’URPS infirmiers, la réponse est claire. Si la coordination entre professionnels de santé est utile et doit être promue, elle ne saurait se faire au profit de super structures administrées et contraignantes. Toute évolution même insidieuse en ce sens doit être rapidement et fermement rejetée.

Le système libéral a très certainement des limites mais également et avant tout d’inégalables qualités (indépendance, adaptabilité, souplesse, réactivité …) permettant, sur le terrain, d’avoir pour seule boussole la bonne prise en charge des patients. Dans un contexte de crise du système de santé, les pouvoirs publics gagneraient en efficacité à s’interroger sur la valorisation des compétences des IDEL plutôt que sur leur limitation par des considérations administratives.